mardi 7 avril 2015

Sois sage... (3)

Nous avons vu dans un article précédent les différentes formes de violences. Puis je vous ai parlé des résultats et des conséquences de la violence pédagogique.

J'aimerais maintenant que nous parlions des raisons qui parfois nous poussent à utiliser cette violence à l'encontre de nos enfants :
Pourquoi sommes-nous violents avec notre enfant ?
A mon avis c'est la plupart du temps lié à la peur.
Je vous propose quelques pistes ci-dessous. Lorsque nous sommes violents avec un enfant, il est possible que ce soit :

Pour le redresser

Diablotin
Parce que depuis longtemps, on nous dit que les enfants sont des voyous, des vauriens. Ils naissent déjà machiavéliques, faisant caprices sur caprices, tentant de nous manipuler, essayant toujours de tirer la couverture à eux. L'enfant est vécu comme mauvais. Quand on a peur de ce qu'est l'enfant, on imagine que le rôle des parents est de le détruire pour ensuite le reconstruire à l'image d'un "bon" enfant, un enfant sage.

Aujourd'hui pourtant, on sait que la nature de l'enfant est profondément bonne. Les enfants naissent avec un sens aigu de la justice, une empathie énorme. Vers 2 ans, les enfants s'inquiètent quand quelqu'un pleure ou est triste autour d'eux. Ils commentent longuement les pages des livres où un enfant tombe, ils font des bisous au livre pour consoler le bébé qui pleure.
Plus grand, quand on les laisse libre d'exprimer leurs émotions, ils viennent chercher le parents pour qu'il s'occupe du bébé qui pleure, le bébé a besoin de sa maman. Ça, les enfants le comprennent mieux que nous !

C'est la coercition dont ils sont la cible, qui petit à petit les transforment, pour nous faire dire, à l'âge du primaire que "les enfants sont méchants entre eux" quand on parle de la dureté de leur relation à l'école.

Les neurosciences nous apprennent que leur système émotionnel se construit jusqu'à l'âge de 25 ans. Il est donc normal qu'un enfant par exemple de moins de 7 ans n'ait pas -ou peu- d'inhibition (capacité à restreindre son comportement dans une situation donnée) ou qu'il ne puisse pas adapter son langage en fonction de son interlocuteur. Il n'est simplement pas équipé pour !
Quand un besoin se fait sentir, ou que son corps lui signale que quelque chose ne va pas (envie d'uriner, faim, froid mais aussi besoin d'attention, besoin d'évacuer une tension, etc), il va se rapprocher du parent et attirer son attention sans savoir exactement pourquoi il fait ça. Mais il y a quelque chose d'impérieux qui le pousse à grimper sur les genoux de son père qui veut lire tranquillement, ou à tirer sur la manche de sa mère sans cesse. Le message est "Quelque chose m'alerte en moi, j'ai besoin de toi pour élucider ça".

Pour se faire respecter

Pour asseoir son autorité, il est d'usage de se "faire respecter", comprendre "être violent oralement ou physiquement avec ses enfants pour qu'ils ne nous débordent pas". Cette expression a la même connotation que "ne pas se laisser marcher sur les pieds".

C'est bien connu, vous faîtes de même avec vos amis, vous les punissez, les giflez et leur donnez la fessée ou les humiliez quand ils renversent un verre par maladresse alors que vous les aviez gentiment invités à l'apéro. Bien sur, car sinon ils ne vous respecteraient pas !


Cette confusion est courante. Nous avons peur que nos enfants ne nous respecte pas, et nous avons l'impression qu'en leur imposant ce respect il sera acquis pour toujours. Pourtant, se faire respecter, et donc "être respectable" est une action qui vient par nous et pour nous. Et non dans la coercition d'une dictature du respect.

Apprendre à son enfant à respecter l'autre, c'est être soi-même respectueux. Lui montrer justement comment on ne lui prend pas ce qu'il tient dans la main, comment on ne le touche pas quand il ne veut pas, qu'on ne le tape pas et que rien ne peut justifier la violence, la moquerie, etc. Et la meilleure démonstration que l'on puisse en faire, c'est bien par l'exemple !

Pour être un bon parent


Que vont penser les autres du comportement de mes enfants ? Dans la société actuelle, l'image de soi est devenue primordiale. On s'achète les derniers vêtements à la mode, on a le dernier IPhone, la dernière voiture haut de gamme, pour paraître. La parentalité ne sort pas de ce contexte finalement et nos enfants finissent par être notre "vitrine" de parent. Quand nous sommes de sortie, c'est sur leurs frêles épaules que repose l'image que nous avons l'impression de diffuser autour de nous.

Nous avons même décidé qu'il serait pilote d'avion ou président de la république, car cela a toujours été notre rêve a nous...

Si nous ne "tenons" pas nos enfants en public, nous avons peur de véhiculer l'image de mauvais parents. Or, les expériences en la matière montrent que la plupart des gens qui vous regardent pendant que votre petit dernier se roule par terre à la caisse du supermarché n'ont pas d'exigence particulière à votre égard. Et il parait que certains se disent, en pensant à vous, "la/le pauvre !". Et d'autres se demandent même comment ils pourraient vous aider ! Posez-vous la question : comment réagissez-vous quand vous voyez un enfant hurler dans un lieu public ?

Nous sommes responsables de la sécurité et de la protection de nos enfants. Mais pas de l'image qu'ils véhiculent. Nous ne sommes pas nos enfants.

Pour lui donner des limites


Il y a actuellement un courant de pensée assez fort qui dit qu'un enfant ne peut se développer qu'en rencontrant des limites. Et que si nous ne donnions pas de limites à nos enfants, il serait perdus, instables, et mettraient en route des stratégies pour aller rencontrer les limites de leur cadre. Encore une histoire de peur. D'après mes recherches, c'est vrai et c'est faux. Je laisse Isabelle Filliozat vous expliquer cela, elle le dit tellement bien !
Autrement dit, les seules limites qu'un enfant doit rencontrer, ce sont celles des autres. Inutile de lui fixer des limites supplémentaires pour qu'il se sente bien, par contre il serait intéressant d'indiquer clairement vos propres limites, et pour cela, de bien les connaître. Quelles sont vos limites ? Les respectez-vous ? Les faîtes vous respecter ? Respectez-vous les limites de vos enfants vous-même ?

Parce que ça ne nous a pas tué

«Donner une petite tape de temps en temps à sa femme n’est pas dramatique. La plupart du temps, on ne fait pas exprès, c’est sous le coup de la colère, d’une bravade de sa part. L’important est de ne pas frapper trop fort, et que cela ne devienne pas systématique
Cette phrase semblera choquante dans notre société actuelle. Et pourtant, remplacez le mot femme par enfant, et c'est une phrase que vous auriez pu entendre à la sortie de l'école.

La banalisation des actes de violences est un acte grave. Il nous permet de nous auto-justifier d'actes que souvent nous sentons en notre fort intérieur comme injustes. 

Cet exemple est tiré d'une interview d'Olivier Maurel dans libération, dans un article de la semaine dernière. Je vous invite à le lire en intégralité ici. J'en profite pour remercier Patricia de me l'avoir transmis !

Nous avons ce sentiment, renforcé par un fameux proverbe, que "ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort". Hors, c'est faux (voir dernier paragraphe de l'article précédent) et c'est même prouvé par la science.

Imaginons que vous ayez acheté un cerisier, en pot. Un arbrisseau encore. Iriez-vous le planter au fond du jardin en décembre, exposé aux intempéries sous prétexte que ça le rendra plus fort ? Non bien sur, vous le garderiez bien au chaud, vous amenderiez sa terre, vous l'arroseriez régulièrement. Et si votre bel arbre montrait quelques feuilles jaunies, cessait de croître ou tout autre problème, vous n'auriez pas l'idée de vous en prendre à lui en disant que décidément il le fait exprès ! Non, vous le déplaceriez ou changeriez vos habitudes avec lui. Vous vous diriez que l'environnement n'est sûrement pas propice à son épanouissement.
Et lorsque votre arbre aurait suffisamment grandit et serait devenu suffisamment fort, alors vous le planteriez dans le jardin, dans un endroit propice, à un moment propice, pour qu'il continue de se développer harmonieusement, qu'il devienne beau à regarder et qu'éventuellement il vous donne de beaux fruits. Alors il sera capable d'affronter les intempéries, parce qu'il aura pu grandir dans un milieu favorable.


Pourquoi alors avoir des attentes différentes avec les enfants ? Par quel biais l'homme a t-il imaginé être différent de la nature dans laquelle il a évolué depuis des millénaires ?

La banalisation est aussi un moyen de justifier les actes de nos parents. J'entends souvent comme argument : "Une petite claque de temps en temps, ça ne fait pas de mal, ça remet les idées en place. Et puis moi, ça ne m'a pas tué !".
Certains sous-entendent même que c'est leur faute, qu'ils étaient des enfants difficiles, qu'ils l'avaient bien mérité...

Lorsqu'un enfant reçoit de la violence de la part de ses parents, il va mettre un voile dessus, car il est absolument et complètement dépendant d'eux, au moins jusqu'à l'adolescence. Comme les parents ne peuvent être responsables de cette violence (sinon l'enfant se rebellerait voire tenterait de s'éloigner d'eux alors qu'il ne peut pas) alors c'est bien lui qui en est la source et il s'attribue la faute. Puisque les parents me montrent que je suis un mauvais enfant, alors c'est que je le suis. Les parents ont toujours raison.

Bien des psychothérapeutes vous diront combien il est difficile pour un adulte de reconnaître que les traitements infligés par ses parents, quels qu'ils soient, ont été déplacés, violents, humiliants voire handicapants dans leur vie d'adulte.
Et pourtant, reconnaître cette violence reçue, ce n'est ni accuser ni pardonner à ses parents. Mais c'est bel et bien se donner la possibilité de ne plus reproduire avec ses propres enfants ces comportements blessants.

Pour ne pas en faire un enfant roi 


Encore une belle (?) illusion que celle d'imaginer qu'un enfant n'ayant pas reçu de violence serait -ou sera- un enfant roi. Cela rejoint l'idée d'un enfant mauvais dès sa naissance (voire même avant, dans le ventre de sa mère !), mais aussi l'idée de limites.
Au delà de ça, il y a ce sentiment parfois que les parents qui ne corrigent pas leurs enfants (le terme est révélateur) sont laxistes. Et quand on est assailli par une bouffée d'autoritarisme, souvent c'est parce que tout à coup on a peur d'être laxiste.

Il y a une différence certaine entre être autoritaire et être autoritariste. Je vous laisse lire à ce sujet cet article qui explique parfaitement cette différence d'après moi. 
Faire de l'autoritarisme, c'est être méfiant, liberticide et destructeur, c'est se grandir soi.
Être autoritaire est basé sur la confiance, sur le respect de soi et des autres. C'est faire grandir l'autre. 
Parfois, les parents sont pris dans un schéma qui se répète inlassablement : après avoir été "dur" avec son enfant, le parent se culpabilise, se radoucit, et libère son enfant des contraintes. Au bout d'un moment, voyant son enfant aller de plus en plus avant, enfreignant les règles, le parents ronge son frein, prend peur, puis se ravise et se met à hurler tout à coup, punissant, envoyant dans sa chambre un enfant désorienté.
C'est le cercle vicieux laxisme / autoritarisme qui s'installe. L'enfant ne sait plus quel parent il va avoir face à lui. Il ne sait plus quelles sont les règles, ni ce qu'il a ou non la possibilité de faire. L'environnement de l'enfant devient instable, il perd confiance en son parent. Ce schéma est éprouvant pour toute la famille et il faut absolument en sortir.

Par pulsion / épuisement 

Oui mais voilà, en sortir n'est pas si simple. Et même parfois être bienveillant est impossible. Parce qu'on en peut plus, parce ce qu'on a d'autres soucis, parce que la petite dernière ne dort pas et nous réveille toutes les deux heures...

Parfois les enfants sont juste insupportables, on a envie de partir très loin, de ne plus les entendre ni les voir, parce que tout ce qu'ils font nous donne envie de les jeter par la fenêtre. (Comment ça ça sent le vécu ?)

A mon avis, l'épuisement est une des causes majeures de la violence parentale. Simplement parce que nos rythmes de vie ne sont pas adaptés à notre physiologie, parce que les parents sont seuls à élever leurs enfants à présent, qu'ils travaillent tous les deux toute la semaine, et que le soir vite vite il leur tarde que les enfants soient couchés pour pouvoir se retrouver un peu en couple.
De l'autre côté, les enfants passent de longues journées à l'école ou au centre, sont dans le bruit, la discipline toute la journée et le soir quand ils rentrent ils ont envie de jouer (et pas de faire leur devoir) de se détendre et de passer du bon temps avec leurs parents.
Dès lors que les besoins sont antinomiques on peut imaginer à quel point l'ambiance peut-être électrique tous les soirs de la semaine. Quand au matin, n'en parlons pas, nous sommes dans le comble de l'anti-physiologique.

Quand on ne parvient plus à réfléchir à force d'épuisement, comment peut-on imaginer pouvoir être bienveillant avec son entourage ?

Je vous propose comme illustration le témoignage d'une maman bienveillante à ce sujet.

Par impuissance 

Et puis parfois aussi, nous ne savons tout simplement pas comment faire autrement. Parce que le seul modèle que nous avons reçu, c'est la violence éducative, ou tout au contraire, parce que nos parents étaient dans le laxisme et que nous nous sommes jurés de ne pas faire comme eux.
Quand nos propres besoins entrent en concurrence avec ceux de nos enfants, quand le combat s'engage entre eux et nous et que nous devons gagner. Alors nous retournons à nos anciens schémas de pensées et nous crions, punissons voire frappons.

A suivre ...

Si tel est votre cas, si vous avez envie de changer l'ambiance familiale, je vous invite vivement à lire mon prochain article, dans lequel nous verrons que OUI c'est possible de faire autrement, et de comment faire, quels outils, quels livres, quels ateliers, quels auteurs...

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