lundi 23 février 2015

Sois sage... (1)


Souvent, dans notre langage courant, nous utilisons cette expression pour désigner en réalité un enfant obéissant

Si je prends la définition du mot ‘sage’ du Larousse en ligne :

Sage : adjectif 1. Qui fait preuve de sûreté dans ses jugements et sa conduite : Avoir la réputation d'un homme sage. 2. Qui se comporte avec calme, docilité : Un enfant sage.

La question se pose : Un enfant sage (docile) devient-il un homme sage (pourvu de sagesse) ?

Et pour commencer à répondre à cette question, je vous en pose une autre : 

Mais qu’est-ce que je veux exactement pour mon enfant ?

A mon avis, il y a deux façon de répondre à cette question :

Réponse A : Qu’il soit facile à vivre, poli, beau, intelligent, calme, silencieux, rapide à exécuter mes ordres, aidant au quotidien, rapidement mature et qu’il quitte rapidement la maison avec un métier pour subvenir à ses besoins. (Et en option qu’il rende malade de jalousie nos voisins et nos amis).



Réponse B : Qu’il sache entrer et être en relation avec les autres, suivre son instinct, s’exprimer avec affection, réagir sans disproportion, dominer sa colère, avoir du bon sens, trouver ce qui lui fait du bien, détecter le danger, qu’il ait la volonté de réaliser ses rêves, d’affirmer ses opinions, d’être heureux. En un mot qu’il soit
E-PA-NOUI !


J’aimerais que les deux réponses soient compatibles. J’aimerais pouvoir avoir une vie simple au présent et un enfant épanoui dans le futur. Plus j’avance, et plus c’est évident pour moi que non, ça n’est pas compatible. Du moins pas dans le rythme de vie que nous nous imposons aujourd'hui.

Un enfant docile et obéissant ne peut pas devenir un adulte indépendant.
Un enfant que l’on possède comme un trophée ne peut pas devenir un adulte qui saura faire ses propres choix et affirmera ses opinions.

La recette pour obtenir un enfant "saaage" (qui corresponde à la réponse A), c’est de le dresser. Ce qu’aujourd’hui on appelle « éduquer » son enfant.
Et encore je dis « dresser », comme l’on dresse un animal, mais sachez qu’en France, au moment où j'écris ces mots, la loi interdit la violence contre les animaux de compagnie, alors qu’elle n’interdit aucune violence à visée "éducative" contre les enfants.

La violence éducative c’est quoi ?
Il s'agit ici de la violence "qui laisse des traces". Celle qui est condamnée par la loi.
Pour mémoire, vous pouvez visionner l'émission "Parents criminels, l'omerta Française" depuis l'émission InfraRouge de France 2 du 22/04/2014 :



Personnellement, je souhaite plutôt vous parler de l'autre violence, la maltraitance, celle qui ne laisse aucune trace physique. Celle qu'Alice Miller appelle "La pédagogie noire". Celle qui a souvent une visée éducative.

Il s'agit de tous les actes ou paroles qui sont dommageables à l'enfant et à l'adulte en devenir. En voici une liste non exhaustive :
  • la moquerie : "tu vas vraiment sortir habillée comme ça ?"
  • la violence physique : fessées, gifles, pincements, tape sur la main, sur la tête ou sur toute autre partie du corps...
  • la violence sexuelle
  • la punition : "pas de jeu vidéo pour toi ce week-end !"
  • l'humiliation : "mais qu'il est con ce gosse !"
  • l'indifférence : faire comme si l'enfant n'est pas là tant qu'il n'a pas fait ce que vous lui demandiez
  • la culpabilisation : "tu penses vraiment que je n'ai que ça à faire ? Nettoyer tes bêtises ?"
  • la responsabilisation démesurée : quand l'enfant devient le parent de son parent
  • le time-out : "va dans ta chambre réfléchir à ce que tu viens de dire !"
  • la négation des sentiments : "mais non tu n'as pas mal, c'est pas grave".
  • le chantage : "tu auras du dessert quand tu auras fini ton assiette !".
  • le chantage affectif: "tu ne voudrais quand même pas me rendre malheureuse ?".
  • la menace : "tu vas voir quand ton père rentrera !"
Évidemment, nous sommes aujourd'hui des virtuoses en matière de combinaison de violences. Par exemple :

parent : gifle (violence physique)
enfant : pleure
parent : "tu l'as bien mérité celle là !" (culpabilisation)
enfant : crie
parent : (la main levée) "t'en veux une autre ?" (menace)
enfant : pleure plus doucement
parent : "comme si je t'avais fait mal !" (négation des sentiments)
enfant : "oui tu m'a fait mal !"
parent : "Arrête de geindre, t'es vraiment qu'une chochotte !" (humiliation)
enfant : pleure
parent : (renversant sa tasse) "tu vois ce que tu me fais faire ?" (culpabilisation)
enfant : crie
parent : "va dans ta chambre immédiatement !" (time-out)


Cette violence endommage les enfants. Tous les enfants, ceux d'hier, d'aujourd'hui ou de demain. 
Dans le monde entier. Cette violence endommage l'humanité et le monde que nous construisons ou celui que nous aimerions construire.


Que dit la loi en France aujourd’hui ?

A l'heure où j'écris ces mots, dans 23 des 27 pays européens, les châtiments corporels sur les enfants sont illégaux.
En France, la loi puni toute violence faite sur les adultes, ou sur les animaux de compagnie. Par contre elle laisse un "droit de correction" aux parents envers leur progéniture, à des fins éducatives.

Cherchez l'erreur...

Et malheureusement 85% des parents français utilisent ce droit de correction, dont plus de 50% sur des enfants de moins de 2 ans.

Un espoir cependant, en juillet 2014, un père a été condamné par la loi à cause d'une fessée "cul nu" donnée à son fils de 9 ans qui le boudait depuis plusieurs jours. Il est possible que cette décision fasse par la suite jurisprudence. Dommage que la peine n'ait pas été la participation à des ateliers de parentalité plutôt qu'une amende...

Bref historique des droits de l'enfant

Jusqu'en 1980, aucun enfant n'était maltraité en France. 
Comment ? Ai-je bien lu ? Oui oui, vous avez bien lu. Les martinets, ceinturons et autres joyeusetés réservées aux enfants de l'époque était considérés comme outils pédagogiques (!) et aucune maltraitance n'a été enregistrée jusqu'alors.
1980, rendez-vous compte, c'était hier ! J'étais même née, c'est dire !

En 1977, est créée la Fondation pour l'Enfance. C'est elle qui la première commence à répertorier les violences faîtes sur les enfants.
Justement sur son site, voici un petit historique des droits de l'enfant. On y apprend notamment qu'"infans", origine du mot "enfant", signifiait "Celui qui ne parle pas". Cela résume bien l'idée que l'on s'est faite dans notre société de l'enfant à travers les âges et jusqu'à ce que la convention internationale des droits de l'enfant voit le jour le 20 novembre 1989.

(à suivre...)

Et bien sûr, nous verrons comment faire autrement...



4 commentaires:

  1. Je t'invite à lire cet article, les choses avancent ! :
    http://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/la-france-condamn%C3%A9e-pour-ne-pas-avoir-interdit-gifles-et-fess%C3%A9es/ar-BBi8Xce?ocid=mailsignoutmd

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    1. Oh Elsa, quelle belle nouvelle ! Bon on est pas encore arrivés, mais effectivement les choses avancent, c'est super !

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  2. Ouai. Alors que faire quand vous êtes coincé dans le bus, qu'il fait 56 degrés celcius, que vous avez la tête comme un melon car vous sortez du travail et que les marcassins se mettent à hurler car leur mère ne leur a pas acheté de fraises tagada? (dans ces cas là une claque et au lit me parait être une solution optimale)

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    1. Merci pour ce commentaire !
      Il me permet d'introduire le dernier article de cette série de 3 qui sera : comment faire autrement. En effet, quand les besoins de l'enfant (capter l'attention du parent ou se décharger des frustrations de la journée, ici, en l'occurence) sont en concurences avec les votres (besoin de calme, oppression du temps, oppression des autres autour de vous, regard des autres sur votre capacité à "tenir" vos enfants), c'est là où cela devient hyper compliqué.
      Dans ces cas là, l'idée de l'adulte épanoui que l'enfant sera plus tard s'évapore vite vite et laisse la place à un GROS raz-le-bol.
      Alors que faire ? Je vous propose de dire la vérité, sur un ton réaliste, par exemple : "Je suis épuisé par ma journée de travail, et là tout le monde nous regarde je suis très mal à l'aise. J'ai l'impression que vos cris dérangent tout le monde. Et puis j'ai très chaud, j'ai hâte de descendre du bus et d'arriver à la maison. Je serais plus zen alors pour réfléchir à vous donner ou non des fraises tagada".
      Il s'agit d'utiliser les messages "je".

      Maintenant j'aimerais vous faire réfléchir sur la solution que vous proposez : "Une claque et au lit". Quel effet cela va t-il produire ? La prochaine fois que vous serez dans la même situation, vos enfants vont-ils vous craindre et se taire pour votre confort ? Cette idée de "je suis plus fort que vous" va t-elle être pérenne ? Comment ferez vous quand ils seront aussi (voire plus) grand que vous ?

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